Le Petit Prince | Camille Sinclair

"L'oiseau cherche à se dégager de l'oeuf."

anecdote 1 Histoire de famille tristement banale. Après la naissance de leur fils, le couple Sinclair bat de l'aile, les absences d'Adrien sont de plus en plus longues, Salomé survit grâce aux aides de l'Etat et à celle de ses parents. Un jour, il ne revient plus à la maison, la jeune maman se retrouve seule avec son fils unique, Camille. Elle trouve un travail, prend son indépendance et obtient le divorce pour abandon de foyer. Camille est un garçon intelligent, curieux, il apprend très vite à lire, et à partir de là, il ne s'arrêta plus -auteurs de jeunesse et auteurs classiques, il en a dévoré des bouquins. Il figure parmi les meilleurs élèves de sa classe alors quand il entre au collège, il est marginalisé, catégorisé, seul.

anecdote 2 [TW: violences psychologiques, menaces physiques] – À la maison, les relations avec sa mère deviennent difficiles surtout depuis qu'elle a rencontré Boris Camden via son travail. Boris, c'était un anglais de plus de quarante ans, visage rond, grand et blond vénitien avec des yeux clairs, le teint rose. Il sentait toujours l'alcool, il parlait fort et il était désagréable, mais Salomé avait décidé de l'épouser, et de le suivre en Angleterre où Boris fit de Camille son fils légal. Il piquait des crises, il s'énervait contre Salomé et contre Camille, il ne les frappait pas mais un climat de terreur régnait dans la maison, Camille était de plus en plus renfermé dans ses livres, dans l'écriture, et dans le dessin.
    Un jour, Boris a menacé Salomé physiquement, elle avait voulu divorcer mais il l'a suppliée, il a promis qu'il n'oserait plus jamais lever la main sur elle. Elle l'a cru. Wylan est né.

anecdote 3 [TW: violences psychologiques, violences physiques] – Camille a grandi, il est maintenant âgé de quatorze ans, il tient tête à son beau-père, il ne supporte pas la façon dont il parle à sa mère, et il ose se rebeller. Boris était toujours plus colérique, toujours plus violent verbalement et physiquement, il cassait des objets, poussait avec rage Camille et sa mère lorsqu'elle essayait de s'interposer. Les notes de Camille chutèrent, il se désintéressa de l'école, il voulait fuir. Il fugua une première fois, il avait prit un bus vers Londres mais il s'était fait arrêter pour vol dans une supérette, et fut ramené à la maison. Boris le frappa pour la première fois. Camille désirait plus fort que tout que son père soit là, qu'il ne soit jamais parti. Il était désolé d'avoir été la cause de sa fuite.

anecdote 4 [TW: dépression, anxiété, automutilation, alcool, drogue] – Salomé lui disait qu'il ne fallait pas le contrarier, que Boris c'était quelqu'un de bien au fond. Camille devait aussi faire des efforts. Même elle, elle se retournait contre lui. Vilain petit canard. L'ombre noire le consumait et lui martelait la tête, il sentait comme des nuages de ratures noires embrouiller son esprit. Camille évitait d'être chez lui, il sortait avec ses amis du lycée, il dormait chez eux sans en parler à sa mère. Il participait à des soirées où il goûta au cannabis et où il buvait à tomber inconscient après avoir vomi. C'était un jeu, c'était cool, on s'en foutait. C'était ça se sentir vivant, être reconnu, être important aux yeux de quelqu'un pour les prouesses stupides qu'on était capables d'accomplir quand on avait des couilles. Sur ses poignets, à l'intérieurs de ses cuisses, il y avait ces marques qui lui donnaient la sensation d'appartenir à quelque chose, d'être ancré sur la Terre qu'il avait trop souvent l'impression de quitter.

anecdote 5 [TW: sexualité, alcool, drogue] – Camille et Alban échangeaient des baisers lents, profonds, intenses – ils s'était déjà embrassés mais Alban ne voulait pas que ça se sache. Paradis artificiels, brouillards enivrants, danses langoureuses, découverte des corps et des plaisirs partagés... Camille avait ressenti cette fin de soirée plus intensément et plus profondément en lui que toutes les autres, c'était un souvenir marquant, époque révolue d'une vie regrettée.
Alban le quitta quelques semaines après, et il n'eut plus de nouvelles de lui. Camille en était meurtri, triste, en colère aussi. Laissé sans explication, abandonné, il chercha ce qu'il avait bien pu faire de mal, il se tourmenta de questions qui le remettaient en cause alors même que ses amis lui disaient qu'il n'y était pour rien. Mais si Alban était parti, c'était bien qu'il avait dit ou fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Il regrettait.

anecdote 6 [TW: violences physiques, automutilation, délit] – Pendant les vacances, Salomé et Boris étaient partis dans le sud de la France avec Wylan. Camille était resté seul à la maison. Il avait fait des fêtes, passé des nuits dehors, il était allé trop loin. Il fut arrêté par la police avec quelques amis alors qu'ils semait le trouble dans les rues en pleine nuit. Comme il était encore mineur, il dû attendre le retour de ses parents pour être sorti de détention provisoire. Salomé pleurait, Boris était furieux –plus que pour l'amende que le reste, il avait même dressé un compte de l'argent que son fils adoptif lui devrait une fois adulte. Salomé essaya de protéger son enfant mais Boris la repoussait alors qu'il le rouait de coups. Camille venait d'avoir seize ans.

anecdote 7 [TW : prostitution, drogue, alcool, violences physiques et sexuelles sur mineur] – Camille avait prit sa décision, il s'était bien préparé cette fois-ci. Sa mère ne pouvait rien pour lui, et il ne pouvait pas continuer de vivre prisonnier. Il quitta son enfer pour Londres, un billet payé avec de l'argent volé à son beau-père. Là-bas, il n'avait pas de plan, il erra dans les rues, survécu grâce à de petits vols. Un soir, alors qu'il avait réussi à dérober un sandwich dans un starbucks, un homme l'aborda, il lui proposa une certaine somme d'argent contre une séance photo. Camille, flatté, accepta. L'inconnu prit quelques photos, puis, au fur et à mesure de la séance, lui demanda de retirer ses vêtements. Il lui donna quelque chose à boire pour l'aider à se détendre, puis les sens de Camille devinrent troubles et il perdit connaissance. Lorsqu'il se réveilla, il était nu sous les draps, le photographe était encore là, il souriait. Il donna de l'argent à Camille en le félicitant et le fit sortir de chez lui. Camille était troublé, choqué, il souffrait, et il avait tout cet argent qui lui permit de manger, d'acheter du cannabis et de l'alcool.

anecdote 8 [TW : prostitution, drogue, alcool, sexe] – Il lui fallait plus d'argent, c'était comme ça qu'il s'était retrouvé à faire le trottoir pour le compte de La Madone, c'était mieux que rien, et puis il avait besoin des drogues qu'il prenait de plus en plus fortes, et de l'alcool pour oublier qu'il était encore vivant. Il rencontra toute sortes de clients, de plus délicats au plus violents, des plus attentionnés aux animaux sauvages, hommes et femmes. Son corps avait disparu dans la rue, ne faisait plus qu'un avec elle, son esprit vagabondait dans des endroits dont il ne se souvenait pas. Cette situation dura plusieurs années jusqu'à ce qu'il entre au Ludus, on le disait courtisan. Les conditions étaient meilleures que celles de la rue mais le travail ne changeait pas, il rencontrait des habitués. Il était plus proche des autres courtisans et courtisanes qui le surnommaient « Petit Prince » -avec affection ou pour se moquer- à cause de ses airs de gosse de riche et bien éduqué car Camille, il en savait des choses et il parlait bien, mieux que les natifs. Sa vie avait pas été misérable à lui, c'était juste un fils à papa qui essayait de se rebeller un peu. Camille s'en foutait de ces rumeurs, le surnom lui plaisait, même certains clients s'étaient mis à l'appeler comme ça au lieu de « Sinclair ». Son véritable prénom, il ne l'avait donné à personne.

anecdote 9 [TW: prostitution] – Il y avait un habitué qui avait une femme et des enfants. Il venait voir Sinclair une à deux fois par semaines, il dépensait beaucoup d'argent, il lui en avait donné un peu plus pour qu'il puisse s'acheter des choses pour lui, et il faisait beaucoup de cadeaux. Il était gentil, attentionné. Sinclair avait fini par avoir des sentiments interdits pour lui, et c'était réciproque. Il voulait le faire sortir de là mais Sinclair était terrifié, il dénonça une mauvaise conduite du client, et il ne le revit plus jamais. Quelques semaines après leur dernière rencontre, il reçu un paquet, c'était un livre: Demian de Hermann Hess. Ce client savait que Camille adorait la littérature, et qu'il écrivait quand il en avait l'envie, le temps. Il fut touché, il regretta sa trahison, il aurait voulu s'excuser. Dans le livre, il y avait un petit mot: « N'est-ce pas le Petit Prince qui dit « Fais de ta vie un rêve, et d'un rêve, une réalité » ? ».

anecdote 10 [TW: prostitution] – Camille était toujours connu sous le nom de Sinclair, courtisan au Ludus, prostitué et rien de plus. Mais il avait maintenant un rêve dont il voulait faire une réalité: reprendre des études pour devenir professeur, peut-être, quitter le Ludus et aider les gens comme lui.